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L’ouvrage manquant

Jeanne Magazine #98, juillet 2022

A propos d’A. Turbiau, M. Lachkar, C. Islert, M. Berthier & A. Antolin, Ecrire à l’encre violette. Littératures lesbiennes en France de 1900 à nos jours (Le Cavalier bleu, 2022)

Il est vraiment là, ce livre qu’on attendait, qui fait l’état des lieux historique d’une contre-culture lesbienne en littérature française. Il me faudra pousser les volumes sur mon étagère pour faire une large place à celui qui, déjà, s’affirme comme un ouvrage de référence sans précédent – le Lagarde et Michard lesbien ? –, jetant un pont salutaire entre recherche universitaire et vulgarisation, analyse fouillée et synthèse globale.
Ecrire à l’encre violette offre un ample panorama qui répare des siècles de silence et traverse une production aussi foisonnante que protéiforme. Touche-à-tout « la » littérature lesbienne concerne l’ensemble des genres littéraires et souhaite tour à tour subvertir, divertir et provoquer à penser. Déplaisant aux censeurs comme aux fâcheux, elle se réinvente de période en période : toujours elle esquive les entraves (monde éditorial masculin, représentations et clichés patriarcaux), se structure pour préserver sa mémoire (l’émergence de maisons d’édition dédiées), elle cultive ses imaginaires, invente ses formes, rêve d’utopie et exhibe ses engagements politiques. C’est une littérature de résistance et d’invention, qui fraye autant avec l’expérimental qu’avec les codes inébranlables de genres balisés (romans à l’eau de rose ou policiers).