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Étés 90. Littérature ado et brouillon de soi

Panthère première n° 9, Printemps 2024

Essai illustré par Julie Gourmaud

  • Je n’arrive pas à écrire mon histoire (je ne suis pas détentrice de
  • mon autobiographie), mais je peux la lire dans l’Autre.
  • Shoshana Felman, What Does a Woman Want ? 1993

Je porte en moi mes enfances mortes et des mots en cendres. Une charge de rage, de tristesse et de peur. Quelque chose de pesant qui a trait à l’adolescence, un âge d’ennui et de terreurs sans exaltations. Un âge d’enfouissement sans traces, sans parole. Un âge où, par ma mère, je suis devenue lectrice.

Ado, c’est la lecture qui a fait celle que je suis.

Je lis aujourd’hui de la littérature ado à la recherche de la jeunesse que je n’ai jamais eue. Ce temps où je cherchais mon histoire dans celle des autres, héritées de ma mère.

Écrivant cette adolescence, je me confronte au manque, à la perte, au temps du récit : un passé compliqué que je rêve d’anachroniser. Dans l’armoire vide, restent des perles sans collier, des bracelets jaunis d’élastiques orthodontiques, une collection de parfums éventés, quelques pin’s, des fragments de correspondance, un éventail fleuri un peu fané. En quête de re-connaissance je ne recueille aucun souvenir involontaire. Je n’arrive pas à accéder à celle que j’étais. J’attends les phrases, qui croissent en moi.